À Riga, une fois quitté l’aéroport et le bus qui m’amenait au centre-ville, je suis devenu un être totalement vague, indéterminé, non-fixé, non-individué : sans lien avec personne, détaché, flottant, étranger, sans place, hors groupe. Arrivé à la gare routière, une masse encore imprécise m’englobe pourtant désormais : celle des gens qui quittent Riga, qui sont sur le départ ou qui ne sont pas d’ici. Première subdivision, premier sous-groupe incluant. Dans le bus qui m’emmène à Ventspils, le filet se resserre, et je fais désormais partie de ceux qui vont dans cette direction : d’ailleurs, au fil du trajet, je sens progressivement fondre l’espèce de méfiance distante qui habitait chacun lorsque nous étions encore à la gare routière, pour faire place à une vague et faible mais indéniable « complicité » — qui se resserre et se raffermit plus on approche de Ventspils. Puis, arrivé à la Ventspilshouse, voici que je suis soudain propulsé en mon nom et place propres : je suis, à nouveau, Alain Freudiger – institué comme tel. Et c’est une expérience intéressante d’éprouver différentes couches et degrés d’anonymat, même si pour l’instant « Alain Freudiger » n’est qu’une forme vide, une idée, que je viens incarner dans cette résidence littéraire – et qui va peu à peu se réaliser ou s’actualiser.